« On me dit toujours que je fais des photos magnifiques », dit Cindy Ladevie à propos des portraits animaliers qu’elle poste sur la page Facebook de la ferme, « mais ce sont les vaches qui font tout le boulot ! » Il est vrai qu’elles sont belles, ces ferrandaises ! Cette vache de race ancienne de la région des chaînes des Puys, du massif du Sancy et du Livradois, à l’origine du saint-nectaire, de la fourme d’Ambert et du bleu d’Auvergne, se distingue par un port noble, des lignes élégantes et une robe contrastée, le plus souvent pie rouge, plus rarement pie noir. Elle peut être de trois types différents : barré (taches irrégulières), bregnié (une grande bande latérale sur chaque flanc laissant l’échine en blanc) ou poudré (mouchetures sur les flancs). Excellente laitière, bonne pour la viande, bonne pour le travail des champs, rustique et résistante, caractère affirmé mais non sans douceur : Cindy avoue qu’elle a beau chercher, elle ne lui trouve pas de défaut. C’est une vache qui a la classe.
Souvent, nos descriptions de producteurs commencent par une histoire d’amitié. Ici, on peut carrément parler d’histoire d’amour. Fille d’éleveurs au Jolan depuis des générations, Cindy rêvait de ferrandaises depuis l’enfance. Ses parents avaient des vaches — des salers. « Un jour, on aura des ferrandaises », se disait-elle. Mais au moment de reprendre la ferme parentale, elle se rend compte que la race ferrandaise, en très faible effectif, est difficile à trouver. « J’en aurai peut-être à la retraite », se dit Cindy, résignée. Le destin en décide autrement. En 2014, un cancer et les soins qui y sont liés lui font prendre conscience de la brièveté de la vie et de l’importance d’atteindre ses objectifs avant qu’il ne soit trop tard.
« Ça m’a libérée. J’ai compris qu’il fallait arrêter de faire des projets qu’on ne vivra pas. » Son mari, qui ne travaille pas à la ferme, lui propose de l’aider. Un collègue lui donne le contact des Gauthier, éleveurs de ferrandaises depuis trois générations et membres de l’association de sauvegarde de la race. Cindy et son mari leur rendent visite et acquièrent d’abord une vache. « J’étais comme une gamine devant un sapin de Noël ! » se souvient Cindy.
« Je me suis plu en sa compagnie, elle correspondait tout à fait à la production qu’on désirait faire : extensive, autonome en fourrage… Cette race se prête à mon mode d’élevage atypique, par l’émotion. D’une vache, nous sommes passés à trois, puis à six, puis à dix. Nous avons vingt-trois mères allaitantes de race ferrandaises et quarante-deux en effectif total, le reste consistant en vaches aubrac. D’année en année, à mesure que les aubracs sont réformées, nous les remplaçons par des ferrandaises, des femelles de notre élevage que nous gardons pour le renouvellement. À terme, je compte avoir quarante-deux ferrandaises, pas davantage, pour des raisons d’autonomie d’herbe et de fourrage. »
La ferme est entièrement bio (certification Écocert). « Ça rassure le client, dit Cindy, mais si nous n’avions pas la certification, nous travaillerions exactement de la même manière. Nous avons quatre-vingt-quinze hectares en prairie permanente. Trente-deux hectares sont fauchés pour le foin, toute la nourriture des animaux est produite sur l’exploitation : herbage et foin. Nous mettons les vaches à l’étable fin novembre, elles mangent le foin en hiver et sortent fin avril-début mai. À 1150 mètres d’altitude sur un plateau volcanique battu par les vents, l’hiver n’est pas facile ! On est souvent bloqués par la neige. À Noël, pendant quinze jours, je suis allée à l’étable en raquettes pour nourrir les vaches. Mais la ferrandaise est une montagnarde, elle est l’Auvergne elle-même ! »
Pour Cindy, l’élevage en bio prend son sens quand on élève des races rustiques qui réduisent les interventions vétérinaires. « La ferrandaise est faite pour notre habitat, elle est née ici ! Et dans son milieu, elle donnera toujours beaucoup plus de lait qu’une prim’ holstein. Pour certains de mes voisins, j’étais une hurluberlue, mais en été, quand il y a une sécheresse, ce sont eux qui font venir des camions de foin… ».
« Nous vivons par et pour nos vaches », dit Cindy en guise de conclusion. « Nous avons un troupeau à taille humaine, et si nous ne partons pas en vacances, ce n’est pas par manque de temps, c’est parce que nous n’en avons pas envie. » Cindy insiste également sur les petits gestes qui, pour elle, participent au bon élevage : brossage, grattouilles quotidiennes aux animaux, veaux compris. Elle affirme qu’une bête élevée sans stress et sans crainte de l’homme donne une viande meilleure. Cette méthode lui donne aussi des génisses bien dans leur tête, ce qui facilite le travail par la suite. Elle dit y gagner sur tous les points, car elle y prend grand plaisir. C’est un moment de partage : ses bêtes et elle forment une équipe.
Le veau du Jolan est du veau sous la mère de moins de huit mois, qui a passé la majeure partie de sa vie à l’herbage. Il ne vit en bâtiment que pendant la période hivernale, où il reste au chaud, mais il n’y est jamais à la belle saison. Il a vécu dehors, le soleil sur la peau, et il a appris à manger de l’herbe. Il est donc de couleur rosée, moins blanc que le veau que vous trouverez le plus souvent sur les étals. Il est moins gras, plus goûteux aussi, et il demande une cuisson attentive, car en grillade ou en rôti, il doit rester rosé. Une voisine septuagénaire de Cindy lui confie que cette viande lui a fait retrouver le veau qu’elle mangeait enfant dans la ferme de ses parents. Le chef Michel Bras lui-même y a été sensible : « Un produit de qualité qui mérite d’être valorisé. » Nous ne saurions mieux dire.
Cette viande se gardera une semaine dans une partie bien froide de votre réfrigérateur. Afin de profiter au maximum de la délicieuse saveur du veau rosé de tradition, nous vous conseillons de garder la cuisson au minimum. Si l’on dit que le bœuf doit être cuit saignant et le mouton bêlant, le veau demande à être « traversé », soit saisi rapidement, sans excès de chaleur, et rosé au centre. Pour les escalopes (notez qu’elles peuvent être de taille un peu irrégulière), un aller-retour au beurre à la poêle, 1 à 2 minutes de chaque côté selon l’épaisseur, et repos de 2 minutes hors du feu. Pour les côtes, un peu plus épaisses, 2 à 3 minutes de chaque côté et repos de 3-4 minutes. Le rôti sera parfait saisi à la cocotte sur toutes les faces puis passé 20 minutes au four à 180 °C, avec repos de 10 à 15 minutes hors du four, couvert d’une feuille de papier sulfurisé. La tranche d’épaule peut être sautée ou braisée entière ou en morceaux ; une cuisson longue lui convient (1 h 30 environ en cocotte ou en sauteuse, à chaleur douce). La blanquette est à préparer… en blanquette. Mais ce type de morceau peut aussi être sauté ou braisé comme l’épaule.
Cindy Ladevie annonce sa présence à l'AMAP environ un mois avant la distribution par e-mail.
Pour commander ou pour visiter sa ferme, vous pouvez la contacter :
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